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Dapper Dan : Créer des tendances en les renversant

Du quartier Harlem, d’où il opère sa boutique sur Lennox Avenue, aux portes des plus grands noms de la mode, Dapper Dan est une icône qui transcende les tendances et les époques. De LL Cool J à Missy Elliott en passant par Mike Tyson et Billie Eilish, sa griffe est connue et reconnue bien au-delà des arrondissements de New York. Malgré tout, Dapper Dan demeure « le gars du coin », accessible et authentique.

C’est avec son approche décontractée que le célèbre designer s’est adressé à nos artisans. Dapper Dan a analysé son parcours à travers le prisme de notre credo créatif et de ses piliers.

 

Contexte : Harlem des années 1980
Chez Sid Lee, on croit que pour s’imposer et perdurer, une idée ou une vision doit être reliée au contexte actuel dans lequel son créateur évolue. Elle doit s’ancrer dans le réel. La jeunesse de Dapper Dan dans un Harlem métissé l’a préparé à embrasser la rencontre et la fusion des genres. Le contexte particulier des années 80 et son économie favorable lui ont permis de déployer ses ailes.

« Ce qui s’est passé à Harlem n’a jamais eu lieu ailleurs dans le monde et ne se reproduira plus jamais. Des blancs pauvres, des juifs pauvres, des noirs pauvres et des hispanophones pauvres, tous ensemble, en interaction. Je n’ai pas compris tout de suite à quel point c’était beau et à quel point ça m’avait touché. Je l’ai seulement réalisé lorsque j’ai commencé à visiter d’autres endroits, où tout le monde était divisé. Les années 80 sont ensuite arrivées. Le marché noir était alors très présent et ça m’a permis de créer une culture, ou un aspect de culture, qui pourrait connaître du succès. »

 

Le facteur artistique : créer pour élever
Pour Dapper Dan, l’acte de créer implique nécessairement une intention de changer le monde. Sa perception de la création n’est d’ailleurs pas si éloignée de la nôtre qui vise à créer ce qui compte vraiment.

« Vous devriez toujours vous servir de votre art, de votre talent, ou de votre talent esthétique dans un domaine particulier pour rendre l’humanité meilleure. »

Et, selon le designer, l’inspiration se trouve partout. Les véritables créatifs sauront s’inspirer de ce qui les entoure dans le but d’y appliquer leur vision.

« Vous devez prêter attention à la culture et exploiter cette culture. Considérer ce qui vous entoure, et non seulement votre personne. De nombreux jeunes designers sont très centrés sur eux-mêmes. Vous n’êtes pas le monde, vous faites partie du monde et le monde doit faire partie de vous. »

 

Une idée, une œuvre, qui influence la culture
Les créatifs influencent les modes et forgent la culture. Ils en sont la courroie de transmission. En abordant cet aspect, Dapper Dan s’est souvenu de sa réponse à la montée du Gangsta Rap à la fin des années 80, une mouvance du hip-hop qu’il n’aimait pas au départ, mais qu’il a influencé en en transformant le code vestimentaire.

« Quand les gens venaient me voir pour me demander leur faire une tenue du genre sanglant ou tout autre tenue associée un bandit, je refusais. Je suis resté fidèle à moi-même et à mon milieu, tout en restant pertinent. Chaque fois qu’une nouvelle tendance voit le jour, je dois l’évaluer et voir comment je peux la modifier pour qu’elle représente mes valeurs, sans la dénaturer. Ce n’est pas facile. Mais je suis là pour traduire la culture et la façonner. Je ne suis pas là pour l’imposer. »

 

Enfreindre la règle : le code de couleurs
Lorsqu’il est question de disruption et de déroger aux règles en place, Dapper Dan en a long à dire. Toute sa carrière peut être mise sous le signe de la transgression. Ce n’est d’ailleurs pas une coïncidence si on le surnomme « The Fashion Outlaw ».

« Si vous voulez parler de la transgression la plus importante, je dirais que j’ai brisé le code de couleurs.

J’ai brisé le code de couleurs… Celui qui vous fait gravir les échelons, vous savez. Une fois arrivé en haut, vous vous dites, ça y est, j’y suis. J’y arrive. Je suis en haut. Tous les blancs y sont arrivés. Je ne suis pas monté. J’ai créé la couleur.

Je suis attentif. Je porte une attention particulière à la culture. Quand mon tour est venu, je savais de quoi il était question. Je savais comment ça fonctionnait. Je sais comment on brise les stéréotypes. Je sais comment on enfreint les règles. On les enfreint avec ardeur. »

 

L’impact désiré
Après plus de sept décennies, Dapper Dan est toujours animé par ce qui l’entoure localement, même si sa notoriété et son message dépassent maintenant largement les limites de son Harlem natal, qu’il arpente encore chaque jour entre son domicile et sa boutique. Il est devenu célèbre. Il a créé une marque puissante et pertinente sur plus de trois décennies tout en dérogeant aux codes de l’industrie de la mode.

Le succès de Dap réside toutefois dans son authenticité et son refus catégorique de déroger à son instinct, à ce qu’il est : le gars de Harlem. Le designer n’en démord pas, circuler en ville lui permet encore de s’inspirer et de sentir le pouls de sa communauté.

« Je prends l’autobus et le train même pour une courte distance. L’autre jour, un jeune homme dans le train m’a dit : “Hey, Dapper Dan, je ne pensais jamais te voir ici.” J’ai dit : “Eh oui! Et sais-tu pourquoi je suis ici? Parce que si je n’étais pas dans ce train, je ne te verrais pas.” »

 

Sid Presents : Dapper Dan a eu lieu le 23 février. La conférence a été présentée devant les artisans de Sid Lee. Michelle Bekas et Annika Ramchandani ont animé la présentation. Merci à elles et à Dapper Dan pour leur grande générosité et pour l’inspirante discussion.