par Jean-François Bouchard, chef du conseil et cofondateur de Sid Lee / Fondateur de C2 Montréal

S’engager pleinement dans son activité professionnelle principale tout en poursuivant d’autres projets créatifs peut s’avérer décourageant. Je n’ai pas assez de doigts pour compter le nombre de personnes créatives qui, cette année seulement, m’ont parlé à regret de leurs projets en suspens. Maintenir le cap et un effort soutenu dans ces autres activités est loin d’être aisé. Et pourtant, il est important pour de nombreuses personnes de le faire afin de nourrir leur développement professionnel et personnel. Alors, comment jongle-t-on avec les deux?

Je pense que j’ai assez bien réussi dans le domaine (voir l’article connexe), si bien en fait que mes partenaires d’affaires m’ont suggéré de partager ma manière de faire. Non, elle ne relève pas de la folie. Au contraire : elle est simple et systématique.

J’espère qu’elle vous servira aussi bien qu’à moi.

1 — Acculez-vous au pied du mur
Les projets commerciaux ont tous une échéance. Les projets personnels, eux, n’en ont pas, et c’est le grand problème pour la plupart des gens. Selon moi, c’est même la raison qui explique 90 % des cas de procrastination.

Donnez-vous une échéance. Encore mieux : forcez-vous à respecter cette échéance en vous engageant auprès d’une tierce personne, par exemple dans le cadre d’une exposition ou en établissant une date de publication. Même si vous n’avez encore rien fait, invitez vos amis au dévoilement de votre projet et envoyez les invitations dès maintenant.

Vous voilà acculé au pied du mur : vous n’avez d’autres choix que de livrer la marchandise.

2 — Finalisez au lieu de perfectionner
Étant donné la nature hautement personnelle de ces projets, certaines personnes couvent éternellement leur précieux travail sans jamais le mettre au monde.

La vérité, c’est qu’un jour ou l’autre il faut accoucher. Allez-y pour la césarienne.

Personne n’améliore sa créativité en y réfléchissant ad infinitum. Livrez la marchandise et faites (encore) mieux la prochaine fois.

Cela étant dit, et peut-être paradoxalement, il faut aussi savoir quand abandonner un projet. On a tous tendance à s’attacher émotionnellement à un projet personnel et passionnant. N’oubliez pas que la majorité de ce que nous produisons, vous et moi, est royalement merdique. Il faut parfois avoir le courage de tuer certaines mauvaises idées dans l’œuf pour se concentrer sur celles qui valent la peine.

3 — Rêver moins, faites plus
Être médecin et chanteur? C’est possible. Chef cuisinier et écrivain? Tout autant. On peut être même être comptable et peintre, ou designer et danseur… Si c’est votre rêve, sachez qu’il existe une réalité évidente (et rarement avouée) à laquelle vous devrez faire face : il faudra travailler deux fois plus fort. Après tout, vous avez maintenant deux emplois. C’est une condition à prendre ou à laisser.

4 — Petit train va loin
J’ai souvent fait l’erreur de réserver plusieurs heures ou même plusieurs jours pour prendre de l’avance sur un projet personnel. En réalité, ça fonctionne rarement. Vous courez plutôt le risque de remettre tout à demain et d’être distrait par votre emploi principal.

Mon approche : avancer petit à petit, jour après jour.

Mes projets continuent ainsi de progresser et je ne suis pas paralysé par la montagne de travail à accomplir en une seule fois.

5 — Qui dit « personnel » ne dit pas « solitaire »
Dans les industries créatives – et très certainement chez Sid Lee et à C2 Montréal, la créativité est un sport d’équipe.

Mais comment appliquer cela à un projet personnel?

Personnellement, j’ai décidé que j’avais besoin des conseils d’une foule de personnes pour avancer, et je me suis assuré d’écouter leur avis comme s’il s’agissait d’un projet collectif. Bien entendu, à la fin un artiste doit imposer sa vision propre, mais je crois que cette vision s’épanouit au contact des idées, des suggestions et des critiques extérieures, surtout si elles font un peu mal.

JF est cofondateur de Sid Lee. Depuis près de 15 ans, il poursuit aussi une carrière artistique et a exposé ses œuvres à Montréal, à Toronto, à Paris et à Miami. Sa prochaine exposition sera présentée le 30 avril prochain au Arsenal Contemporary, à New York. La Magenta Foundation publiera également un livre sur le projet qui sera distribué par Thames & Hudson. Pour plus d’informations, consultez l’article de WIRED ou suivez JF sur Instagram : @jfbouchard1