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L'implication sociale des marques

Dire que les sphères politiques et sociales ont été chamboulées est un euphémisme. C’est l’heure de rendre des comptes. S’agit-il d’une occasion de redéfinir la place des entreprises dans la société?

Animée par Kirstin Hammerberg et San Rahi, tous deux chez Sid Lee, notre nouvelle table ronde Mind Sparks aborde les interactions changeantes entre les marques et les personnes. En analysant les perspectives d’activisme selon l’angle de l’image de marque, du marketing, de l’éducation et de la culture, notre conversation explore le potentiel de devenir de vrais partenaires authentiques dans des initiatives d’implication sociale.

 

Audio en anglais

 

 

— Il est important pour les gens de ressentir qu’une marque a un but et qu’elle partage les valeurs qui leur tiennent à cœur. Ce n’est pas quelque chose de nouveau, mais la demande s’est accentuée. Les marques ne peuvent plus se contenter de faire des déclarations ou des démonstrations symboliques. Les gens veulent que leurs marques agissent conformément à ces valeurs.

— Les changements au sein des entreprises doivent être faits de manière systématique et les silos doivent être abolis. Les valeurs ne sont pas des enjeux de marketing; elles doivent être imbriquées dans l’ADN de l’entreprise.

— Les changements significatifs ne se font pas du jour au lendemain. Tous comme les humains, les entreprises doivent avoir l’occasion de faire une introspection et ont besoin d’espace pour essayer, échouer et réessayer. L’introspection est la première étape à franchir pour changer le monde.

 

Participants :

Anne L. Bahr Thompson, Auteure de Do Good: Embracing Brand Citizenship to Fuel Both Purpose and Profit; Fondatrice de Onesixtyfourth; Ancienne directrice exécutive, Stratégie et Planification, Interbrand

Attica Alexis Jaques, Cheffe du marketing mondial de marques d’applications aux consommateurs, Google

James Andrews, Fondateur d’Authenticated

San Rahi, Vice-président exécutif, Croissance et innovation, Sid Lee

Kirstin Hammerberg, Vice-présidente global, Stratégie de croissance et innovation, Sid Lee

 

Nous sommes arrivés à un point critique dans l’évolution de la société. Les gens sont frustrés et manifestent par milliers dans la rue, exigeant quelque chose de mieux de leurs gouvernements, des entreprises et des humains. Les grands titres sont scandaleux – et parfois tragiques – mais si on lit entre les lignes, on y voit quelque chose d’autre : une grande lucidité, une lueur d’espoir et peut-être une occasion vraiment unique. Nous croyons que cette agitation sans précédent annonce un vent de changement qui a le pouvoir d’influencer toutes les facettes de la vie, pour le mieux. De plus, nous pensons qu’une des façons d’améliorer les choses est d’essayer de comprendre ce que cela veut dire pour la relation entre la consommation et la culture qui ne cesse d’évoluer.

Chez Sid Lee, nous cherchons à comprendre ce qui se passe. Comment pouvons-nous participer au mouvement? Comment pouvons-nous apporter notre contribution en tant qu’entreprise et en tant que personnes formant cette entreprise?

Le 30 juin 2020, au point culminant de ces bouleversements sociaux, nous avons discuté avec des amis pour analyser ce qui se passe. Nous souhaitions démarrer une discussion en avançant une idée et l’examiner selon les différents points de vue de chacun, notamment la stratégie, les affaires, le marketing, l’administration, l’entrepreneuriat et l’aspect public. Nous souhaitions saisir et clarifier l’essence de ce tournant évidemment critique et entamer une discussion plus vaste qui pourrait trouver écho au-delà de ce lieu en posant les questions suivantes : Les marques peuvent-elles être des activistes authentiques dans la société et la culture? Devraient-elles tenter de jouer ce rôle?

Notre conversation nous a mené au-delà des énoncés de mission, des embauches symboliques et des « likes » associés à une publication Instagram pour déboucher sur de vrais gestes et sur ce que cela veut dire. Nous sommes allés plus loin encore pour comprendre ce qui motive ces gestes, et comment ces motivations incarnent l’essence d’une marque. Nous nous sommes finalement demandé comment placer les valeurs au-dessus de la mission et comment infuser ces valeurs dans l’ADN d’une marque, de façon rétroactive ou dès le départ, pour qu’elles puissent avoir un impact dans le monde réel.

En ces temps de bouleversements sans précédent, un nouveau modèle d’engagement citoyen semble prendre forme du côté des marques. Les gens en veulent et en demandent plus; il ne suffit plus de prendre position sur des enjeux. Il est capital que les valeurs se matérialisent par des gestes. Aujourd’hui, les marques représentent le contrat social des entreprises en modelant notre économie et la façon dont nous vivons et travaillons. Par conséquent, elles ont une responsabilité à l’égard de l’évolution de la culture et doivent agir comme son défenseur, dans une certaine mesure. Nous assistons à un retour du balancier au sein de la société et les consommateurs exigeront que les marques répondent de leurs actes, plutôt que de leurs convictions.

La culture est une matrice de relations dynamiques, et comme dans toute relation, il y a une discussion fondée sur les besoins de chaque côté. Ces relations sont externes, soit entre les entreprises et les gens, et internes, soit entre la direction et les employés. Une chimie s’installe lorsque les marques mettent la culture et les gestes devant le marketing et les produits. Un lien de confiance se crée et celui-ci renforce cette dynamique de partenariat.

Le concept n’a rien de nouveau, mais les rapports de force ont changé. L’inversion de l’influence a accentué le pouvoir des gens dans leurs rôles de consommateur et de public. Un peu comme une onde de choc produite par l’impact des revendications dans la rue, nous voyons l’étendue de ce que les gens peuvent faire pour forcer les marques à penser différemment et à bouger plus rapidement. On rédige les politiques pour veiller à ce que les valeurs restent à l’avant-plan. L’esprit du mouvement n’est pas nouveau, mais soudainement, la voix de la nécessité morale est plus forte et la demande est beaucoup plus apparente et urgente. Cette nouvelle dynamique aide chaque partenaire à se tenir responsable d’honorer ce qui est important.

Ce sont les nouvelles attentes et leur atteinte qui sont implicites ici. Les consommateurs prennent de plus en plus leurs décisions en fonction des croyances énoncées par les marques, mais aussi en fonction de la façon dont elles agissent dans le monde et des initiatives auxquelles elles participent. Ils veulent que les marques les aident à bâtir un contexte de valeurs partagées et à trouver une façon d’honorer ces valeurs dans leur vie. La relation entre l’employé et l’employeur change lorsque l’employé sait que son employeur est un activiste sincère, et il en va de même pour les consommateurs. De plus en plus, on remarque qu’avant que les gens défendent une marque, ils veulent que la marque défende ce qui leur tient à cœur. À l’avenir, il faudra voir cette relation comme un vrai partenariat et harmoniser ses valeurs l’un avec l’autre.

Le consommateur s’identifie aux marques et développe des liens avec celles-ci en fonction des façons dont elles cadrent avec sa vie telle qu’il la vit, pas seulement en termes d’esthétique ou de but, mais en termes moraux. Il demande que l’engagement se traduise par des gestes et c’est le nouveau prix à payer pour la fidélité et la promotion. Ces nouvelles attentes sous-tendent l’apogée de ce mouvement dans l’histoire. Les entreprises, les organisations, les gouvernements, les porte-parole et les parties prenantes sont tenus responsables sur le plan des mêmes normes que les personnes. Et la mesure utilisée pour évaluer ces normes n’est pas un énoncé, une image ni un carré noir sur Instagram, mais une action concrète empreinte de sincérité. Les marques doivent poser des gestes parce qu’ils comptent pour elles et parce qu’elles s’en soucient.

Puisqu’il s’agit d’un nouveau contrat entre les partenaires, son impact trouve écho au-delà du positionnement de chaque marque distincte dans le tissu qui unit le monde des affaires et la société. Les problèmes auxquels de nombreuses marques doivent faire face ne sont pas si différents. Ils peuvent se résumer aux façons dont les acteurs de la culture interagissent et comment ces relations devront évoluer à partir de là. Il y a plus à gagner si l’on unit nos forces pour confronter les enjeux plutôt que si l’on essaie d’en tirer un avantage concurrentiel et de gagner en popularité.

Pour montrer qu’elles ne font pas que suivre une tendance, les marques doivent jeter les bases qui dictent une nouvelle façon d’être et d’agir. Elles doivent faire face au passé et le réconcilier avec le présent pour pouvoir avancer. Le changement doit être sincère et il faut qu’il y ait place aux erreurs, à en tirer des leçons et à développer le côté réellement humain de la marque par rapport à ces problèmes humains. Ce type de changements en profondeur nécessite une approche systémique. Il est nécessaire de créer et d’adopter de nouveaux modèles de leadership parce que la responsabilité sociale et les gestes ne peuvent pas être délégués à des chefs du marketing ni confiés à des agences. Il ne s’agit pas de problèmes de marketing. Il faut abolir les silos pour que les valeurs puissent être traitées au niveau de la culture d’entreprise, comme quelque chose de tissé dans l’ADN d’une entreprise ou de réaménagé dans les systèmes tels qu’ils existent. Les nominations et les gestes symboliques ne suffisent plus. Les gens vont non seulement analyser ce que les marques disent et font, mais ils vont regarder qui elles sont, qui sont les personnes dans leur équipe de direction et en quoi ces personnes croient.

Nous entamons un nouveau chapitre de notre évolution. Il faudra du temps et il faudra repenser les relations entre chacun des acteurs de la culture – les entreprises, les clients, la direction, les employés, les responsables du marketing et les gens. De nouveaux modèles qui favorisent la coopération au détriment de la concurrence doivent être créés lorsqu’il s’agit de poser des gestes pour défendre les enjeux qui nous tiennent à cœur. Plus que tout, la sincérité sera un facteur déterminant.

Les gestes motivés par les apparences ou un engagement à l’égard des résultats financiers ne suffiront plus, si ce fut un jour le cas. Une foi sincère dans les valeurs sous-tendant les gestes et une volonté réelle de faire la bonne chose triompheront et renforceront les liens qui nous unissent dans le paradigme de la culture de consommation. Par ailleurs, il est aussi question d’une responsabilité à l’égard des actionnaires qu’il est facile d’outrepasser. N’oublions pas qu’il s’agit de valeurs partagées et que l’engagement réel à leur égard est de plus en plus associé aux résultats financiers. En effet, les résultats financiers sont de plus en plus déterminés par des attentes morales.

Peu importe l’endroit où nous nous trouvons comme acteur de la culture ou de l’économie, nous avons le pouvoir d’influencer les gestes et de façonner l’avenir. C’est un marathon, et non un sprint. Il n’y a peut-être pas de fil d’arrivée et c’est peut-être pour le mieux. Nous voulons connaître votre avis. Selon vous, de quoi avons-nous besoin pour avancer tous ensemble? Faisons ensemble le prochain pas.

 

San Rahi
Vice-président exécutif, croissance et innovation
srahi@sidlee.com
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