Lors d’une soirée d’été à Seattle, Jason Gingold est assis à table avec son épouse et deux amis devant les boissons de leur choix — une bière, un verre de rosé et deux verres de sauvignon blanc, un vin qui les passionne en ce moment. La conversation est légère et cordiale; c’est toujours agréable de prendre des nouvelles en buvant un verre, mais cette fois-ci c’est un peu différent parce que la connexion au wifi est instable et que l’audio coupe, ce qui fait cahoter la conversation.
Pour beaucoup d’entre nous, ce scénario aurait été digne d’un récit de science-fiction avant mars 2020, mais maintenant, c’est la vie normale. La vitesse du changement et la rapidité d’adaptation sont plutôt étonnantes. Chez Sid Lee, cela nous a fait réfléchir aux changements, nécessaires ou accessoires, que les gens apportent à leurs habitudes en cette période de distanciation sociale. Nos conversations nous ont amenés à évaluer les nouvelles activités que nous faisons, comme celle décrite ci-dessus. Comment en sommes-nous venus à changer nos habitudes sociales si rapidement et sans y réfléchir longuement? Nous avons commencé à réfléchir aux changements dans les comportements publics et personnels, puis nous nous sommes demandé quelles seraient les conséquences sur le marché des boissons alcoolisées de plusieurs milliards de dollars, dans la perspective où nous ne voyons pas encore la fin du confinement.
Ce qui se passait sur site et hors site ne se fait plus qu’à l’extérieur des sites, et ce qui tournait autour des interactions sociales en public s’est transformé en activités plus intimes et solitaires. En plus des 5 à 7 sur Zoom, nous avons observé de nouveaux comportements dans la façon dont les gens se rassemblent pour prendre quelques verres, les moments et les raisons de ces rassemblements, dans les catégories et les marques de boissons alcoolisées qui sont achetées ainsi que dans les lieux d’achat. Certaines de ces tendances seront temporaires et disparaîtront dès que les règles de rassemblement s’assoupliront à nouveau, mais certaines habitudes resteront. C’est un peu comme si nous avions découvert une valeur, une satisfaction personnelle ou un rituel révolutionnaire qui aurait toujours dû faire partie de notre vie sans que nous le sachions, la quarantaine nous ayant forcés à réévaluer les choses. Nous avions des questions, des exemples et des hypothèses, mais nous avions besoin de données pour comprendre l’influence des comportements, des marques, des produits et des occasions sur le nouvel état normal des choses.
Sid Lee est en étroite relation avec Concentric, une entreprise spécialisée en analyse prédictive établie à Cambridge, au Massachusetts. Ensemble, les organisations se sont donné le mandat d’établir la nouvelle norme de consommation d’alcool à la maison.
Avec l’aide de Concentric, nous avons créé un alter ego numérique du marché américain, un pronostic tangible fondé sur un ensemble de données définitives (données sur les ventes du domaine, les dépenses de marketing, les données de distribution, l’écoute sociale, etc.). Nous avons formulé des hypothèses, esquissé des scénarios provocateurs et lancé la simulation.
Sans vous gâcher la surprise, nous avons fait des découvertes surprenantes. Nous espérons que ce qui suit vous aidera à amorcer de bonnes discussions dans votre organisation, voire à mieux affronter ce chapitre particulièrement complexe de notre histoire.
Bienvenue dans le marché de 80 milliards de dollars de la nouvelle sobriété
Le nouveau comportement le plus important et le plus surprenant est que certaines personnes ont choisi de ne rien faire, c’est-à-dire de cesser de boire complètement. Or, si nous le situons dans son contexte, nous voyons aisément que ce comportement n’est pas apparu de nulle part, la société recherchant toutes les formes de bien-être depuis une décennie. Nous comprenons que les gens aient décidé de faire un pas de plus et de cesser de boire tout alcool pendant ce moment de confinement propice à la réévaluation, cependant, nous n’étions pas préparés à une tendance de cette ampleur.
Les personnes qui appartiennent à ce groupe vont plomber le marché des boissons alcoolisées au cours des trois prochaines années à hauteur de presque 80 milliards de dollars. Vous avez bien lu : quatre-vingts milliards. Il sera intéressant de voir comment le marché répondra à cette nouvelle réalité. Encouragera-t-il les gens dans leur choix de ne plus boire ou leur proposera-t-il avec plus d’insistance un produit qui ne les intéresse probablement plus? La question est délicate, mais elle se pose quand même.